Loi de mise sous protection des malades mentaux
Dans certaines circonstances, il est possible que des troubles psychiatriques mènent à des situations dangereuses pour la personne elle-même ou pour des tiers. Le droit permet, sous certaines conditions, d’assurer une protection du malade mental, en même temps que de la société, en obligeant la personne malade à recevoir des soins contre son gré. La loi du 26 juin 1990 fixe des règles strictes pour encadrer cette obligation de soin tout en respectant les droits de la personne. Dans les années qui ont suivi, cette loi a connu différentes modifications.
Contenu
La loi de mise sous protection de la personne des malades mentaux a été adoptée en Belgique le 26 juin 1990 pour remplacer l’ancien régime de la collocation en vertu duquel la privation de liberté résultait d’une simple mesure administrative. L’objectif de la loi du 26 juin 1990 a été de veiller à une meilleure protection des droits individuels en plaçant les soins contraints sous le contrôle d’une autorité judiciaire tout en donnant une place au débat contradictoire via la présence d’un avocat.
La loi prévoit qu’un juge de paix puisse, dans certaines circonstances, ordonner une obligation de soins psychiatriques en vertu de trois critères cumulatifs (ce qui signifie que les 3 critères doivent être présents simultanément):
- la personne doit souffrir d’une maladie mentale
- la personne doit se trouver dans un état tel qu’elle représente un danger grave pour elle-même ou pour autrui
- il n’existe aucune autre alternative pour la soigner que de recourir à des soins contraints
La mesure est prononcée pour 40 jours, soit un délai limité, mais elle peut faire l’objet d’une prolongation (maintien) dont la durée ne peut excéder 2 ans.
Application
La procédure qui va conduire à la décision judiciaire peut être de 2 types :
- ordinaire ou non-urgente : à la requête de toute personne intéressée et sur base d’un certificat médical récent (moins de 15 jours), le juge fixe une date d’audience dans les 10 jours pour y entendre toutes les personnes intéressées.
- urgente : en cas d’urgence, la demande est adressée au procureur du roi qui, s’il la considère comme recevable, la transmet au juge de paix tout en désignant un hôpital psychiatrique agréé pour recevoir la personne en l’attente de l’audience.
Quelle que soit la procédure, un avocat est désigné pour défendre le point de vue de la personne susceptible de faire l’objet de la mesure. Une personne de confiance peut également être choisie par le patient pour l’assister.
Après avoir entendu les différents points de vue lors de l’audience, le juge de paix décide ou non de prononcer la mesure. Il communique sa décision par écrit dans les 3 jours qui suivent l’audience. Il n’est pas possible de s’opposer à la décision du juge ; toutefois, un recours en degré d’appel est envisageable avec l’aide de l’avocat. Le délai d’appel est de 15 jours maximum après la notification de la décision du juge.
Une fois la mesure prononcée, la personne mise sous protection est placée en observation, la plupart du temps dans un hôpital, plus rarement dans son milieu de vie. En cas d’hospitalisation, à la condition que la situation clinique évolue favorablement, il est possible que le médecin responsable décide de permettre une sortie avant la fin des 40 jours. Au contraire, dans les situations d’évolution défavorable, il rédige un rapport que la direction de l’hôpital envoie au juge de paix afin de faire une demande de maintien de la mesure. Une nouvelle audience est alors programmée au cours de laquelle le juge va se prononcer sur la demande de maintien et, le cas échéant, en fixer la durée (au maximum 2 ans). Le maintien peut être organisé, avec des conditions précises, sous la forme d’une post-cure en dehors de l’hôpital.
Pour les mineurs, c’est le juge de la jeunesse compétent sur le territoire du domicile de la personne concernée, qui remplit la même fonction que celle du juge de paix pour les adultes.
Si la mesure de mise sous protection aboutit à une privation de liberté, ce n’est pas pour autant qu’elle touche à d’autres droits. La loi du 26 juin 1990 précise explicitement que sont maintenus d’autres droits comme la liberté d’opinion ou de convictions religieuses, le droit de respect de la vie privée et de la correspondance, le droit de visites dans la mesure où l’état de santé le permet. La personne mise en observation étant bénéficiaire de soins de santé jouit également des droits du patient tels qu’énoncés par la loi du 22 août 2002. Si elle s’estime insatisfaite par rapport à l’application de ses droits, elle peut contacter le service de médiation de l’hôpital psychiatrique où elle séjourne.
Evolution
Une première évolution a apporté des modifications introduites par la loi du 20 février 2017 modifiant la loi du 26 juin 1990 relative à la protection de la personne des malades mentaux.
– Les modifications introduites par le législateur portent surtout sur l’obligation d’une meilleure implication des proches et des familles, le juge de paix étant dorénavant tenu, dans la mesure du possible, de consulter ceux-ci avant une décision de mise en observation.
– Le juge a également l’obligation de notifier son jugement à toutes personnes intéressées, avant l’exécution de sa décision.
-Par contre, il n’est pas obligatoire de leur communiquer les informations concernant la suite de la procédure (maintien, postcure).
-En ce qui concerne les mineurs, la notification doit se faire au parent qui détient l’autorité parentale et à l’autre parent, ou, à défaut, à la personne à qui la garde de l’enfant a été confiée.
La loi du 16 mai 2024 (entrée en vigueur le 1e janvier 2025) apporte une nouvelle évolution visant un meilleur équilibre entre les droits de la personne et les besoins de son environnement. Les principales modifications introduites sont les suivantes :
- remplacement de l’expression « malades mentaux » par « personnes atteintes de troubles psychiatriques », ces troubles étant définis comme tels « en fonction de l’état actuel de la science et susceptible d’altérer gravement la perception de la réalité, la capacité de discernement, les processus de pensée, l’humeur ou le contrôle des actes ».
- remplacement de l’expression « mise en observation » par « mesure d’observation protectrice »
- introduction d’une mesure possible de traitement volontaire sous conditions, en résidentiel ou en ambulatoire : conditions imposées par le juge et acceptées en totalité par la personne, avec désignation d’un médecin responsable de l’exécution de ce traitement. La personne concernée peut demander de changer de médecin en cours de traitement.
- période d’évaluation de 48h à partir du moment de la privation de liberté, période permettant au procureur du roi de requérir soit une remise en liberté, soit une mesure d’observation protectrice soit un traitement volontaire sous conditions.
- proposition d’un modèle de rapport médical circonstancié lors de la demande de mesure
Pour en savoir plus
- Si vous voulez en savoir plus sur la loi du 26 juin 1990 et son application, vous pouvez consulter la brochure « Guide de la personne mise en observation » éditée par la Plate-forme de Concertation en Santé mentale de la Province de Luxembourg.
- Texte intégral de la loi du 26 juin 1990
- Texte de la loi du 20 février 2017 modifiant la loi du 26 juin 1990
- Texte de la loi du 16 mai 2024 portant diverses modifications à la protection de la personne des malades mentaux
- Ouvrage « La protection de la personne des malades mentaux, Ethique, médecine et justice », ouvrage collectif sous la direction de G. Benoit, Ed. La Charte, 2011.